hyperactivite chez les enfants

Jean-Baptiste : Bonjour à tous. Aujourd’hui nous retrouvons le docteur KHALIL qui vient nous parler de l’enfant hyperactif, un terme très à la mode. Il y a même une petite blague qui circule en ce moment sur Twitter où on voit des parents qui viennent voir un prof en disant « mais non, mon enfant n’est pas mal élevé, il est hyperactif ! ». On a l’impression que c’est l’excuse à chaque fois pour un enfant qu’on n’arrive plus à gérer. Pour en parler, nous recevons le docteur Philippe-Xavier KHALIL, médecin psychiatre et diplômé de la faculté de Médecine de Marseille. Vous avez exercé pendant très longtemps à la Timone. Pour les gens qui ne vous connaissent pas est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques mots ?

Docteur Philippe KHALIL : Bonjour. Je m’appelle Philippe Xavier KHALIL. Je suis pédopsychiatre. Je suis né et j’ai fait tout mon parcours médical à Marseille. J’ai eu une très belle proposition pour partir dans les Caraïbes et m’occuper du département de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent sur le territoire régional de la Guadeloupe.

J-B : Vous êtes psychiatre et votre spécialité c’est l’enfance et la petite enfance.

Dr P-K : Tout à fait.

J-B : Aujourd’hui nous allons parler de l’enfant hyperactif. Déjà, qu’est-ce qui se cache derrière ce terme ? Est-ce que c’est un terme scientifique, médical ? On entend partout « hyperactif », est-ce que ça correspond à une réalité et si c’est le cas à quoi exactement cela correspond ?

Dr P-K : Comme souvent en psychiatrie, il y a le sens populaire du terme et le sens plus médical. Concernant l’hyperactivité, il y a deux grandes classifications internationales qui en définissent les contours cliniques : la classification européenne des Maladies Mentales la CIM-10 reconnue par l’OMS l’Organisation Mondiale de la Santé, et le DSM-5 classification anglo-saxonne élaborée par nos confrères américains.

J.B : Alors qu’est-ce que disent les européens et les américains sur ce terme hyperactif ? Pour eux ça correspond à quoi ?

Dr P-K : Le syndrome hyperkinétique est la terminologie choisie par les européens pour décrire l’enfant qui bouge beaucoup. Le DSM utilise le sigle de TDAH : Trouble avec Déficit de l’Attention et Hyperactivité. Si vous voulez, l’hyperactivité conjugue plusieurs choses en même temps : À la fois un enfant ou un adolescent très agité qui ne tient pas en place mais qui par là même ne parvient pas à se concentrer sur ce qu’il fait sur le moment, un trouble de l’attention, ce qui est extrêmement délétère pour les apprentissages scolaires.

J.B : Quelqu’un qui n’arrive pas à se stabiliser ?

Dr P-K : C’est un enfant qui n’arrive pas à rester en place sur sa chaise d’école, qui a du mal à suivre les cours de la maîtresse par exemple, ou du professeur au collège, qui est à la fois insupportable à la maison comme en classe à cause de son agitation permanente.

J.B : C’est souvent pour ça que les parents disent « mais non, mon enfant n’est pas mal élevé, il est hyperactif ! »

Dr P-K : C’est un mot un peu galvaudé rentré dans le vocabulaire commun parce que le syndrome hyperkinétique, c’est une pathologie, un trouble neurologique, avec dans 70% des cas une signature un petit peu génétique voire épigénétique.

J.B : Comment vous le diagnostiquez ? Concrètement, vous avez un enfant dont tout le monde se plaint, les parents n’arrivent plus à le gérer, les maîtresses à l’école non plus… Ils viennent vous voir, comment vous diagnostiquez ces enfants ?

Dr P-K : Le diagnostic est très clinique. Il s’agit concrètement d’un enfant effectivement très agité, qui pendant toute la consultation aura du mal à rester assis sur sa chaise, il va rapidement se lever et toucher, bouleverser l’ordre de tous les objets qui se présenteront à son regard. Il sera incapable de finir le dessin demandé sur la feuille de papier. Alors, dès la consultation on le voit le tableau est magistral et va confirmer la complainte exprimée par les parents.

J.B : C’est rassurant de mettre un nom sur une maladie, mais une maladie elle n’est pas forcément grave ?

Dr P-K : D’un point de vue sémantique je préfère le terme de pathologie. Le TDAH correspond vraiment à des critères de gravité bien particulier. Tous les enfants agités ne sont pas des enfants à proprement parler hyperactifs ! Le terme hyperactif s’est répandu dans le grand public et a perdu sa signification princeps médicale pour être utilisé à l’excès.

J.B : Dans votre diagnostic, déjà, vous rassurez les parents, en leur disant « attention soyons prudents, n’utilisons pas ce terme… ».

Dr P-K : Tout à fait. Comme beaucoup de pathologies et notamment en psychiatrie, le dépistage se développe et la détection découvre forcément beaucoup plus de cas qu’il y a quelques dizaines d’années. Cela est dû aux préoccupations du moment. On est beaucoup plus attentifs, c’est une chose. On essaye de repérer beaucoup plus tôt… Par là même, ça procure au niveau des statistiques une augmentation assez considérable du nombre d’enfants et/ou adolescents concernés.

J.B : Est-ce qu’on peut dire qu’un enfant hyperactif peut devenir hyper affectif, hyper sensible ? Quelles sont les conséquences pour ces enfants ?

Dr P-K : Les conséquences c’est qu’un enfant très agité va agacer et être rejeté très vite par le groupe parce qu’il ne respecte pas les modalités sociales. À la récréation par exemple, il ne va pas respecter les règles de jeu et donc il va très vite être mis au banc par ses pairs. Il va être exclu du cercle de ses camarades, il va être exclu de la classe par ses interventions intempestives et à la maison, il va être constamment critiqué et recadré en raison de cette agitation de tous les instants qui épuise les parents les plus patients…

J.B : Du coup, qu’est-ce qu’il faut faire avec ses enfants ? Il faut les hyper-stimuler ou au contraire complètement les cadrer ?

Dr P-K : Il faut certes les cadrer mais il faut aussi utiliser aussi leurs capacités et compétences. Cette hyperactivité peut être canalisée dans de l’exercice physique et la première prescription à proposer est faire du sport. C’est très important. Il faut répondre à ce trop-plein d’énergie par une dépense physique, il faut canaliser cette énergie. Tout type de sport, surtout un sport que l’enfant peut apprécier, qui l’intéresse et pour lequel il peut avoir des prédispositions. Le deuxième volet thérapeutique est la possible prescription médicamenteuse mais cela reste à mesurer. De plus, lorsqu’il s’agit d’une patientèle d’enfants ou d’adolescents, il n’y a pas de prescription sans l’accord des parents. C’est le fameux triptyque dont nous parlons souvent, – parents, enfant, soignant –, qui doit étroitement collaborer dans une confiance réciproque.

J.B : Vous n’êtes pas favorable à une utilisation systématique ?

Dr P-K : Non, du tout ! Effectivement parce que quelle que soit la pathologie infanto-juvénile, la prescription de psychotropes doit uniquement s’effectuer quand il y a vraiment une pertinence. Et la pertinence, c’est la gravité des symptômes. En médecine on évalue toujours les avantages et inconvénients de toute prescription allopathique et si la balance n’est pas nettement du côté des avantages, on doit alors s’abstenir de toute proposition médicamenteuse.

J.B : Vous pensez qu’en passant par une phase médicamenteuse on peut aggraver aussi la situation ?

Dr P-K : Prescrire des psychotropes chez l’enfant est toujours délicat parce que toute molécule peut engendrer des effets secondaires toujours délétères. L’enfant est un petit être qui est en plein développement, notamment sur le plan cérébral. Par conséquent, on se doit d’agir avec prudence et prescrire quand il le faut vraiment et avec parcimonie. Mais bien sûr, quand il faut le faire, il faut savoir prescrire pour le bien de l’enfant.

J.B :  À partir du moment où on commence à prescrire, est-ce qu’on ne va pas aggraver les choses dans le sens où l’enfant va vraiment se considérer comme malade ?

Dr P-K :  Non. En général, il n’y a pas de la part de l’enfant cette posture-là. Je n’ai jamais rencontré ce cas de figure parce que je précise toujours que le médicament c’est une aide à côté des efforts personnels que ce dernier doit fournir pour devenir plus calme et attentif. En psychiatrie infanto-juvénile, tout ce que l’on peut prescrire, ça aide un petit peu à améliorer les choses mais ça ne fait pas tout. Et puis l’enfant aussi doit essayer de se maîtriser petit à petit. D’ailleurs, le syndrome d’hyperactivité et une symptomatologie qui va progressivement diminuer spontanément avec l’âge.

J.B :  Donc c’est plutôt rassurant ! Si les parents ou les spécialistes de la petite enfance nous entendent, qu’ils ne s’affolent pas ! Par contre, il faut passer par cette phase de diagnostic pour que le psychiatre arrive à mettre un nom dessus.

Dr P-K :  Oui. Il n’y a aucune difficulté là-dedans, d’autant qu’il n’y a pas d’examen complémentaire à faire pour confirmer ce diagnostic encore une fois très clinique.

J.B :  Est-ce que ça ne peut pas aussi révéler, cette hyperactivité, des enfants qui pensent beaucoup, peut-être trop ? Du coup, ils ont besoin d’exprimer ça de manière physique ?

Dr P-K :  Non, nous ne sommes pas vraiment dans ce cas de figure mais ce sont des enfants très vifs. Le gros problème, c’est plutôt le trouble de la concentration et le trouble attentionnel qui est en jeu et préjudiciable. Il faut arriver à résorber ces « défauts-là » qui sont de véritables carences.

J.B :  Les canaliser, leur faire faire du sport et puis je retiendrai ce mot rassurant que vous avez tout à l’heure utilisé : ça passe avec l’âge.

Dr P-K : Tout à fait. Il y a généralement une régression spontanée qui va se faire avec l’âge. Il y a des familles d’hyperactifs. Souvent le papa dit qu’au même âge il était très agité aussi et puis ça s’est calmé. Il y a un héritage génétique, possiblement épigénétique. C’est cette combinaison entre les gènes et l’environnement et le conditionnement de la société qui n’est plus celle d’il y a 30, 40 ou 50 ans. Maintenant, on hyper-stimule les enfants très jeunes et très vite. Il y a beaucoup plus de sollicitations et une éducation un peu plus souple pour ne pas dire autre chose.

J.B :  Vous alliez dire laxiste ?

Dr P-K : Oui, un petit peu, il faut bien l’avouer ! (Sourire)

J.B :  Je vous remercie beaucoup docteur KHALIL pour ce moment passé ensemble. Je rappelle que vous êtes psychiatre spécialiste de l’enfance et de l’adolescence. Vous exercez aujourd’hui à Arles. Merci beaucoup pour ce moment passé ensemble et à très bientôt.

Dr P-K : Merci à vous.

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